S'entraîner sous la chaleur : bonne ou mauvaise idée ?
5/17/20257 min read


Ces dernières années plusieurs compétitions internationales majeures se sont déroulées dans des lieux avec des conditions climatiques chaudes (>30°C). Ces nouveautés ont obligé les staffs à mettre en place des stratégies d’acclimatation à la chaleur. L’exposition à la chaleur pendant l’exercice les semaines précédentes la compétition c’est montrée est une stratégie intéressante pour diminuer la perte de performance en condition de chaleur. La question de la pertinence de ce type de protocole pour performer en conditions climatiques “normales” (<22 degrés) est actuellement mise en avant. Cet article va tenter de t’apporter des éléments de réponse à cette question.
Partie 1 : Explications Physiologiques
Des études ont testé l’intérêt d’une exposition à la chaleur répétées durant plusieurs jours, cela pendant un entraînement (souvent à basse intensité). Cela est souvent réalisé dans une pièce avec une température supérieure à 32 degrés. Pour obtenir un stress thermique suffisant, il semble nécessaire de s’exposer dans des conditions qui permettent une élévation de la température corporelle supérieure à 38.5°C.
Comme en altitude l’une des premières adaptation est l’augmentation du volume sanguin via l’augmentation du volume plasmatique. En effet, l’augmentation de la température corporelle au-delà de 38°C entraînerait la sécrétion d’aldostérone qui à son tour stimule l’augmentation du volume plasmatique. Même si la masse d’hémoglobine en valeur absolue n’a pas évolué, l'augmentation du volume plasmatique va avoir pour conséquence une diminution de l’hématocrite (Volume globule rouge/Volume total sanguin).
Cette diminution de l’hématocrite va être perçue par les reins qui vont stimuler la production d’érythropoïétine (EPO), ils vont ensuite permettre la production de nouvelles globules rouges.
L’augmentation du nombre de globules rouges dans le sang est un facteur de performance dans les sports d’endurance. Ils vont permettre de transporter plus de molécules d'oxygène et donc augmenter le nombre le nombre de litre d’o2 distribué par minute à l’exercice. À l’effort maximal, c’est un facteur de Vo2max.
L’augmentation prolongée et répétée de la température dans la cellule aura également comme conséquence la stimulation des Heat Shock Protein (HSP). Ils vont entraîner une cascade de signalisations qui vont aboutir à des adaptations. Elle va par exemple stimuler voie HIF1-a, qui est la voie de signalisation majeure qui permet la croissance de multiples fonctions de l’organisme. Elle va également stimuler la production d’EPO mais aussi le facteur de transcription VEGF qui va permettre l’angiogenèse. Au niveau musculaire, elle entraînera l’augmentation du nombre de capillaires sanguins. L’augmentation du réseau capillaire autour d’un muscle permettra de mieux le vasculariser et ainsi d’apporter ou d’évacuer plus de sang.
D’autre part l’expression des HSP stimulera des voies de signalisation qui stimuleront PGC1a, il est souvent caractérisé comme un chef d’orchestre des adaptations mitochondriales. La mitochondrie est une cellule qui a un rôle essentiel dans le processus oxydatif de l’organisme. Un réseau mitochondrial développé avec un bon fonctionnement sera un facteur de performance important dans les sports d’endurance. Elles permettent notamment d’utiliser l’o2 pour former de l’énergie, de réaliser la clairance du lactate, de reformer des molécules de Pcr.
Ainsi, un protocole d’entraînement en chaleur permettrait de stimuler les processus de croissance et de translocation des mitochondries.
En résumé, il semble que via différents mécanismes l’exposition répétée à la chaleur semble apporter des adaptations dîtes centrales (transport d’o2) et périphérique (captation et utilisation de l’o2 au niveau musculaire).


Revue de Littérature :
Baranauskas MN, Constantini K, Paris HL, Wiggins CC, Schlader ZJ, Chapman RF. Heat Versus Altitude Training for Endurance Performance at Sea Level. Exerc Sport Sci Rev. 2021 Jan;49(1):50-58. doi: 10.1249/JES.0000000000000238. PMID: 33044330.
Hawley JA, Lundby C, Cotter JD, Burke LM. Maximizing Cellular Adaptation to Endurance Exercise in Skeletal Muscle. Cell Metab. 2018 May 1;27(5):962-976. doi: 10.1016/j.cmet.2018.04.014. PMID: 29719234.
Rønnestad BR, Hamarsland H, Hansen J, Holen E, Montero D, Whist JE, Lundby C. Five weeks of heat training increases haemoglobin mass in elite cyclists. Exp Physiol. 2021 Jan;106(1):316-327. doi: 10.1113/EP088544. Epub 2020 Jul 4. PMID: 32436633.
Rønnestad BR, Lid OM, Hansen J, Hamarsland H, Mølmen KS, Nygaard H, Ellefsen S, Hammarström D, Lundby C. Heat suit training increases hemoglobin mass in elite cross-country skiers. Scand J Med Sci Sports. 2022 Jul;32(7):1089-1098. doi: 10.1111/sms.14156. Epub 2022 Mar 26. PMID: 35305278; PMCID: PMC9544462.
Maunder E, Plews DJ, Wallis GA, Brick MJ, Leigh WB, Chang WL, Watkins CM, Kilding AE. Temperate performance and metabolic adaptations following endurance training performed under environmental heat stress. Physiol Rep. 2021 May;9(9):e14849. doi: 10.14814/phy2.14849. PMID: 33977674; PMCID: PMC8114151.
Partie 2 : Intérêt pour la performance ?
Dans cette partie nous allons davantage entrer dans les détails des protocoles qui ont questionné la pertinence de l’utilisation des protocoles d’adaptations à la chaleur chez des athlètes d’endurance entraînés et élites pour améliorer la performance des conditions climatiques tempérées
Une première étude a étudié l’impact de 5 entraînements par semaine sous 33°C pour le groupe Heat et sous 18°C pour le groupe Contrôle. Les sujets qui étaient des cyclistes entraînés ont suivi ce protocole pendant 3 semaines, les séances étaient variées (basse intensité, seuils, puissance maximale aérobie). Il est important de préciser que l’intensité était individualisée pour chaque sujet via la fréquence cardiaque qui était ajustée suite à un test d’effort avec mesure des échanges gazeux au début du protocole.
À la suite de ces 3 semaines de protocole les sujets du groupe Heat ont significativement plus améliorés leurs performances lors d’un contre la montre de 30’ sous 18°C que les sujets du groupe Contrôle. Les chercheurs ont également relevé que l’activité de l’enzyme citrate synthase était plus élevée chez les sujets du groupe Heat à la fin du protocole, cela est signe d’une activité mitochondriale plus performante.
Finalement, les auteurs préconisent l’entraînement à la chaleur comme une bonne solution pour optimiser les performances des sportifs d’endurance entraînés, d’autant plus lorsque l’intensité est prescrite par un marqueur de la charge interne comme la fréquence cardiaque. Cela dû en partie à des adaptations positives de l’activité mitochondriale.
Cependant, nous avons également relevé deux autres études qui rapportent des résultats contraires pour des sportifs élites.
La première étude porte également sur des cyclistes. Pendant 5 semaines le groupe Heat a effectué 1h d’entraînement à basse intensité par jour cela en plus de l’entraînement habituel des sujets. Finalement, après ces 5 semaines malgré une augmentation de la masse d’hémoglobine et du volume plasmatique le groupe Heat n’a pas eu d’augmentation significativement supérieure de la performance lors d’un test incrémental jusqu’à épuisement en comparaison au groupe Contrôle.
La seconde étude s'est intéressée à l’impact de 5 sessions de 50’ à basse intensité pendant 5 semaines sûr home trainer chez des skieurs de fond. Cette fois-si les sujets portaient seulement des vêtements pour atteindre la température corporelle de 38,5°C pendant les sessions d’entraînement. Les sujets poursuivaient leur entraînement habituel en parallèle. Comme pour l’étude précédente malgré une augmentation de la masse d’hémoglobine les sujets du groupe Heat n’ont pas eu d’augmentation significativement supérieure de la performance en comparaison au groupe Contrôle. Le test de performance était cependant critiquable puisqu’il s'effectuait en course à pied. Ce qui ne correspond ni à la spécificité du sport des sujets ni à la discipline pratiquée pendant le protocole.
Finalement que retenir de ces études.
Un protocole d’entraînement à la chaleur semble bénéfique pour des sujets entraînés mais pas forcément pour des sujets élites qui ont un niveau de performance plus élevé.
Le protocole semble apporter des adaptations d’ordre central aux athlètes élites avec une augmentation de la masse d’hémoglobine et du volume plasmatique sans se transférer sur le Vo2max et la performance. Ce qui a amené les auteurs à poser l'hypothèse que les facteurs centraux ne sont possiblement pas un facteur limitant de la performance des athlètes d’endurance élites.
Partie 3 : Recommandations pratiques
Il est sûr que l’exposition à la chaleur apporte un stress supplémentaire à l’organisme en plus de celui de l’exercice. Comme tout nouveau stress il sera important de bien le réguler et d’y aller progressivement.
Nous pouvons ainsi recommandé d’utiliser un moniteur de charge interne comme la fréquence cardiaque pour s’assurer de rester dans une intensité facile lors des entraînements à basse intensité, ce qui fera diminuer votre intensité externe (vitesse, puissance). La seconde recommandation serait de commencer progressivement avec dans un premier temps seulement des efforts à basse intensité. Par la suite, nous avons pu voir dans les articles qu’il serait pertinent d’apporter en complément des séances à haute intensité sous chaleur. Cela semble être une bonne stratégie à adopter si vous vous adaptez bien à l’exposition à la chaleur.
Il est important de préciser que cette exposition chronique à la chaleur sur 10 jours est une excellente stratégie pour s’acclimater dans l’objectif de performer dans des conditions de chaleur.
Dans le cadre d’adaptation positive pour des performances dans des conditions tempérées un protocole de 3 semaines minimum serait pertinent.
Cette adaptation pourra varier selon votre niveau d’entraînement et de performance.
Finalement, une stratégie d’acclimatation à la chaleur semble également intéressante pour travailler des aptitudes mentales à résister à la douleur. Ce qui est un autre facteur déterminant de la performance.
Au-delà des stratégies actives d’entraînement sous la chaleur nous étudierons dans un prochain article des stratégies passives qui peuvent s'avérer efficaces.